La Démocratie à la Sauce Marocaine

Nous accueillons aujourd’hui Eiteobal, un stagiaire vachement énervé. Et mon petit doigt me dit que les choses ne vont pas s’arranger dans les jours qui viennent …

Certains mots peuvent être servis à toutes les sauces. Dégustez-les à la sauce makhzenienne et vous en ressentirez le piquant !

« Souveraineté »! Plus qu’un mot, un concept. De toutes les démocraties universalistes elle est le maître mot et de toutes les (r)évolutions, dans le sens de la justice et de la liberté, le phare. La souveraineté est définie comme l’autorité suprême, la puissance absolue et perpétuelle sur un territoire donné. Bien entendu, je ne reconnais de souveraineté que celle émanant du peuple. Ainsi, vous l’aurez compris, la sauce, c’est pas ma sauce !

Il convient dans un premier temps de vous soumettre quelques sauces disponibles dans la grande surface « Maroc », avant de nous attaquer à la « souveraineté makhzenienne ». Vous trouverez en grande quantité la sauce divine. Trempez-y votre souveraineté et votre pilosité en prendra un coup. Plus sérieusement, l’idée que la souveraineté puisse être divine ne m’enchante pas, je la trouve barbante! La raison n’est pas d’ordre religieux mais plutôt d’ordre pratique. N’ayant jamais bu un café avec Dieu, je n’arrive pas à matérialiser cette souveraineté. Pour être plus explicite, je ne veux pas que l’on vienne m’expliquer que la souveraineté appartient à Dieu, mais qu’en attendant (on ne sait trop quoi) l’exercice de celle-ci se fera à travers un clergé autoproclamé qui ne dit pas son nom et qui n’aura de compte à rendre qu’à Dieu (sauf à me dire dans quel « Rass derb » [concept proche du hall d’immeuble pour les non-marocains] ils le rencontrent pour prendre les directives, faire le bilan, donner une démission, etc.). Non, cette sauce sent mauvais.

L’autre sauce que l’on trouve en abondance est la sauce autoritaire. Dans nombre de pays, elle est érigée en sauce nationale. D’ailleurs, elle vous est souvent proposée sans que vous n’ayez encore fait votre choix ni rien demandé. Plongez votre souveraineté dans cette sauce et vous en deviendrez l’esclave. Pour la supporter, il faut en avoir les moyens. En effet, dans un régime autoritaire, il n’y a point d’égalité, et ce, même dans l’injustice. Ainsi tout un arsenal « législatif » est mis en place pour vous étouffer, pour vous contrôler, pour vous faire chier dans votre vie de tous les jours. Mais les quelques puissants pourront toujours cracher au visage de l’agent oppresseur du makhzen (flic, merda, gendarme, mqadem, caid, juge, procureur, etc.) et les quelques riches pourront toujours lui jeter un billet à la figure pour qu’il puisse essuyer leur mépris dégoulinant sur son visage. Peu importe, il vengera son honneur (parce qu’il croit en avoir un) en se défoulant sur la « plèbe ». En résumé, cette sauce c’est comme de la drogue, une drogue de bourgeois, de nantis. C’est de la merde! Comme la sauce divine, elle atteint le cerveau du sujet qui finit par lui trouver du goût. Tout est question d’habitude…

Mélangez ces deux sauces et vous aurez la sauce makhzenienne. Etalez là délicatement sur votre souveraineté et cette dernière disparaîtra comme par enchantement. Cette sauce, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne présente pas d’effets secondaires. Surpris? Non? En effet, elle ne présente que des effets primaires, les plus primaires qui soient! Avec elle (puisque l’on peut tout y tremper…pour mieux tromper), tout devient primaire : patriotisme, nationalisme, raisonnement, niveau d’étude, instincts, etc.…Il y’a bien un effet secondaire, mais il n’est pas visible à l’œil nu. Il s’agit de la moustache cérébrale. Aussitôt que vous aurez goûté à la sauce makhzenienne, une moustache vous poussera à l’intérieur du cerveau. Vous ne serez alors plus capable de raisonner (sauf de manière primaire), vous deviendrez susceptible à toute critique, vos débats tourneront principalement autour du prix des légumes (jusqu’à en devenir un vous-même) et votre principale occupation sera de surveiller l’autre (voisin, collègue, cousin, sœur, ami, un mec que tu ne connais pas) histoire de voir s’il respecte toutes les « valeurs sacrées », ces dernières constituant les ingrédients de base de la sauce makhzenienne. Vous passerez maitre dans l’utilisation des notions de h’ram et h’chouma au point de pouvoir plomber l’ambiance dans un concert de Lady Gaga à vous tout seul. Enfin, vous ne vous exprimerez plus qu’à la première personne du pluriel en parlant et en pensant à la place et pour les autres. (Ca donnera des phrases comme : « nous les marocains on n’aime pas ça »…, « chez nous les musulmans on ne fait pas cela »…, « nos valeurs sacrées »…).

Revenons à notre souveraineté. Il faut distinguer deux choses. Il y’a d’abord la souveraineté politique qui conditionne l’exercice interne du pouvoir dans un Etat. Ensuite, de cette souveraineté découle la souveraineté nationale qui caractérise le rapport d’indépendance dudit Etat par rapport aux autres Etats.

Prenons tout d’abord la souveraineté politique. Nous parlons ici, en schématisant (et avec tous les défauts d’un schéma), de la souveraineté du peuple qui l’exerce indirectement à travers ceux qu’il a élu et qui lui sont redevables au terme de leur mandat. Ce schéma n’est certes pas parfait, mais il est le « moins pire ». (Prenez toutes les démocraties universalistes dignes de ce nom et faites un constat au niveau de la liberté, des droits et des devoirs, de l’éducation, du développement économique et social. Si le temps vous manque pour faire un constat sérieux, je vous renvoie aux deux rives du détroit de Gibraltar pour identifier l’origine des cadavres que la mer a bien voulu rendre à leurs familles). Comme vu plus haut, trempée dans de la sauce makhzenienne, la souveraineté disparaît…mais pas pour tout le monde. Au Maroc, le Makhzen, doté d’une inspiration légendaire hors norme, a depuis longtemps « deviné » que les marocains (tous siècles confondus) ne veulent pas de leur souveraineté. Sans leur demander leur avis, il s’est donc servi pour la tremper dans un savant mélange de sauces. La souveraineté à la sauce makhzenienne était née et gare à ceux chez qui elle provoque une indigestion! Ils risquent de se retrouver avec un passeport brésilien (mais pas sur une plage de Rio, ce serait trop beau) dans une prison bien marocaine. Of course, il y’a des élections pour rompre la monotonie mais celles-ci, trempées dans la même sauce que la souveraineté se transforment en un véritable cirque. Libres pour certains, truquées pour d’autres, tous les brésiliens sont d’accord pour dire qu’elles ne servent à rien. Eh oui ! C’est écrit noir sur blanc dans le papier qui nous sert de « Constitution » : le gouvernement ne gouverne pas ! Les marocains qui ne savent pourtant pas lire et écrire dans leur grande majorité (« grâce » au choix politique du génial Hassan II alias « Barrage Man », choix qui n’est pas remis en question par Mohamed VI qui préfère miser sur des Trains à Grande Vitesse plutôt que sur des Humains en Grande Détresse) semblent s’en être rendu compte en devenant les champions de l’abstention.

 

Un brésilien.

Nous somme donc dans le cas d’un peuple asservi qui se voit confisquer sa souveraineté et qui ne réagit pas outre mesure. Je vous l’avais dit, on y prend goût; surtout quand on n’a jamais connu le parfum du fruit le plus beau qui soit : la liberté!

Pourtant, c’est au nom de cette souveraineté confisquée que tout bourreau lèvera le bouclier de la souveraineté nationale pour se protéger de toute critique. Ne vous y trompez pas, ses complices (souvent des dirigeants de démocraties universalistes, en perte de valeurs et de principes) ressortiront la même carte pour ne pas l’accabler. La meilleure illustration du moment concernant mon propos se trouve en Tunisie. Ainsi, la Tunisie, comme le Maroc et bien d’autres acceptent volontiers l’aide financière colossale en provenance de l’Union Européenne souvent apportée en contrepartie d’accords prévoyant des « clauses droits de l’Homme ». En vertu de ces accords signés par ces mêmes régimes, l’UE est en droit de demander des comptes sur les violations des droits les plus élémentaires et passer outre le bouclier de la souveraineté nationale, qui rappelons le ne tient pas la route puisque découlant d’une souveraineté confisquée et donc illégitime. Tout le monde le sait et tout le monde tombe à chaque fois dans le même panneau de la souveraineté nationale en oubliant que cette logique est faussée dés le départ. En attaquant Ben Ali, en dénonçant et en condamnant ses crimes, nous ne portons atteinte qu’à la souveraineté du Tyran. En dénonçant la corruption du régime de Mohammed VI, la torture et la répression du Makhzen, en leur demandant des comptes, on ne touche d’aucune manière la souveraineté du peuple marocain. Le seul comportement que l’on pourrait qualifier d’ingérence étrangère, de véritable atteinte à la souveraineté de nos peuples, est le soutien actif apporté par nombre de démocraties aux régimes qui nous « gouvernent ».

Lors d’une visite d’Etat en Tunisie, Chirac, sollicité sur le problème des droits humains en Tunisie, avait répondu que le premier des droits de l’Homme était celui de manger…Voilà, nous somme réduits à des estomacs ambulants. Allez, tous à vos assiettes! Prêts? Bouffez ! Et n’oubliez pas la sauce…

Nb : L’abus de sauce est mauvais pour les régimes … tous les régimes !

A propos aboulahab

J'ai couché avec ta mère. Depuis, je suis gay. Contact : abbou point lahab (chez gmail point com)
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10 commentaires pour La Démocratie à la Sauce Marocaine

  1. il n’y a pire sauce que ce que tu viens de nous servir, à défaut de nous asservir…
    le makhzen a bon dos pour être servi à toutes les sauces pour certains apprentis « révolutionnaires » dont la sauce est plutôt du « ba3sauce », en notre darija…
    serfaty est mort et enterré après avoir lui aussi été mélangé à toutes les sauces…
    va donc servir ta sauce à ceux et à celles à qui manque ce genre de sauce…
    ta prétendue analyse à la sauce anus, revêt un certain relent revenchard et rancunier de cervelles, de boyaux et de saucissons de chiens crevés…
    il est donc vain qe tu crois qu’on va goûter ta sauce à la recette périmée et nauséeuse…
    c’est à peine si on te lit en prenant la précaution de se boucher le nez…

    • Driss dit :

      À lautiste, qu’on vous dites : »il est donc vain qe tu crois qu’on va goûter ta sauce à la recette périmée et nauséeuse… », avec un  » on » qui veux dire  » nous », vous ne faites que confirmer l’essence de cet article.

  2. Lhommequivientdemangerunetarteaucitron dit :

    Cher Aboulahab,
    Je trouve le billet excellent, certes, le stagiaire est un peu énervé mais si cet état d’esprit lui permet de pondre d’aussi bons textes, soit. Donnez lui l’occasion d’aller récupérer un papier administratif le plus souvent possible au commissariat de Lbernoussi, ça lui donnera toute la dose de la sauce.
    Bref, je vous appelle à le recruter.
    Quant à toi stagiaire, te lire assouvi ma rage contre les moustachus.
    Au plaisir de vous lire tous.

  3. kadour dit :

    Merci Eiteobal pour ce savant essai satirique.

    Merci Aboulahab pour avoir déniché Eiteobal.

    L’ironie, c’est que je retrouve la fierté d’être marocain en vous lisant.

    • kadour dit :

      Peux mieux faire. Si l’auteur avait mis Israël et Robert Menard dedans, ce serait du KHI-lol de qualité.

      Infomediaire et un miroir de polisario-confidentiel. Deux sites de propagandes.

  4. un anonyme dit :

    Merci pour ce texte qui m’a bien fait rire. Je suis entièrement d’accord avec toi. Il est temps que tout ceci change. Malheureusement le peuple marocain (moutan en vagabondage en ses temps perdus) a perdu tout sens d’autocritique. Il va sans dire que le bétail ne fait que suivre le berger (makhzen). Quand aurons nous le courage de dire stop ? Faut il attendre que la tunisie se rebélle, construise une démocratie, devienne stable et se développe économiquement pour que l’on réalise que nous sommes des attardés ? L’avenir nous le dira. En attendant bêlons mes amis.

  5. Sarish dit :

    Juste une question : ce n’est pas la première fois qu’il est fait allusion aux « Brésiliens » dans ce blog. Or je ne suis pas sûre de comprendre. Une explication ?

  6. hayzoun dit :

    Dans le pays des aveugles;les borgnes sont rois

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